jeudi 18 décembre 2014

L'espoir


Cette fille que je ne connais pas et qui m'écrit qu'un garçon vient de la quitter brutalement après dix-huit mois d'amour.
Elle m'explique qu'elle lui a envoyé mon premier roman, et qu'elle en a souligné des phrases.
Juste ça.
Avec l'espoir que ce garçon revienne.


lundi 15 décembre 2014

Disparition de l'appétit



Quand je sors du métro un livre à la main, je m’aperçois qu’il pleut. Une bruine de décembre dans les normales saisonnières. Je protège tout de suite le livre sous mon manteau. Je ne pense pas à me protéger moi. Je n’ai pas peur de la bruine. Je préfère protéger le livre qui lui me protège de tout le reste.
Je prends le bus et j’ai la nausée.
Je n’ai plus peur du métro ni du bus depuis que je prends des cachets aux noms de super-héros qui me donnent le courage d’affronter les gens mais qui me donnent en prime : la nausée.

Je n’ai plus d’appétit pour rien. Même les verres d’eau je les avale comme des médicaments parce que je sais que c’est important. Je ne veux pas mourir. Caroline parle toujours de mon incroyable pulsion de vie. Je ne sais pas où elle voit ça en moi. Mais je l’écoute avec attention, bienveillance. Elle fait de même. C’est une thérapie.
J’avale aussi de grandes tasses de thé à la menthe qui est la seule chose qui ne me dégoûte pas d’avance.
Je suis fatiguée tout le temps dans le corps, épuisée des muscles, des tendons, des doigts, des paupières, et mon cerveau au contraire pétille et s’agite comme un bal des pompiers. Ils ne se mettent pas d’accord alors parfois je dors trois heures, parfois trente.
Au Cube tous me regardent avec je ne sais quoi de compassion je ne sais quoi de condescendance, parce que le bruit court que je peux fondre en larmes à n’importe quel moment.
C’est vrai. Je n’avais pas pleuré depuis des mois, il faut bien rattraper toutes les émotions cachées profond si longtemps. Alors oui, parfois, elles ont un mauvais timing.

Ce matin j’arrive en retard et le Troupeau a couvert mon bureau de paquets cadeaux, tous contiennent des choses à manger que je ne mangerai pas mais je dis merci pour les paquets, merci pour les papiers brillants, merci pour la gentillesse. Le Troupeau va être là toute la semaine et chaque soir sera débordant de mondanités et de nourriture que je ne pourrai pas refuser alors on va lutter contre tout ça, mes super-héros et moi, on va essayer de survivre à cette semaine-là.

Ce matin en réunion mon esprit s’évade. En ce moment comme il fait froid, je m’imagine serrer un corps fort contre moi. Parfois c’est Tigre, parfois c’est Maja. Parfois c’est juste un corps anonyme. Le powerpoint défile avec des chiffres partout dessus et moi j’imagine mon corps contre un autre corps, pas forcément nus, mais collés, aimants, doux, chauds. Des animaux qui se protègent.
J’ai désespérément besoin qu’on me protège.

Je ne suis plus amoureuse. Pour la première fois de mon existence, mon cœur ne s’élance vers personne, vers rien. Caroline dit que c’est une bonne chose, que je peux enfin penser à moi, tomber amoureuse de moi. Je l’écoute encore une fois. Je dis « oui ». Je n’y crois pas trop.

J’essaie de m’enthousiasmer, au moins, si ce n’est tomber amoureuse, alors parfois ça marche et je fais des lasagnes. Parfois ça ne marche pas et je dors trente heures pour faire des rêves qui ne me conviennent pas non plus.

Je n’ai plus d’appétit pour rien ni pour personne.
Restent les livres.



mardi 1 juillet 2014

Juillet : ses promesses, ses insectes.

J’ai rencontré Maja, je me suis coupé les cheveux, j’ai quitté Tigre.
Pas dans cet ordre.

Et nous sommes déjà en juillet.

Le ciel cherche comme toujours à me contredire.
Si seulement il n’y avait que lui.

Je "vois quelqu’un", comme on dit. Une Caroline. Elle me fait faire des exercices. Alors que je suis bloquée depuis des mois dans mon nouveau roman et que j’en souffre, elle me fait écrire sans que je m’en rende compte (la preuve).
Ça me rassure, d’avoir Caroline comme point d’ancrage chaque semaine.

Le reste du monde, pas du tout.
Tigre qui fait sa vie sans moi et moi sans lui sans qu’on se manque : ça ne me rassure pas.
Maja qui me fait trébucher alors que je pensais marcher droit : ça ne me rassure pas.
Le lexomil dans mon sac : je te raconte pas.

Juillet ne sent pour l’instant ni les cigales ni le chlore, juillet pour l’instant ne tient aucune de ses promesses.
Juillet porte un parfum de souffre et grouille de fantômes.
Juillet remplit le ventre d’insectes qu’on ne connaît pas bien.

On va lui laisser un peu de temps.
Et bosser son entomologie.




lundi 6 janvier 2014

Dans ma poche

Des clefs, un pass navigo, un paquet de mouchoir avec un seul mouchoir dedans, une bille,

trouvée devant l'église à l'enterrement de ma grand-mère ; je l'ai glissée dans ma poche en pensant forcément que d'une façon ou d'une autre, c'était son cadeau.
Je l'avais vue la veille toute belle, embaumée et entourée de fleurs au funérarium, tellement appaisée que je m'attendais à ce qu'elle se mette à respirer.
Pendant la cérémonie, je n'ai pas su faire le signe de croix, j'ai embrassé le cercueil à la place, je sais qu'elle ne m'en aurait pas voulu.
Ce n'était pas la dernière chose triste de 2013.


de la ventoline, un post-it qui me dit ce que j'ai à faire cette semaine, un coquillage,

ramassé sur la plage de Trouville le 1er janvier ; mes amis fous et joyeux en pleine tempête de sable.
C'était la première chose merveilleuse de 2014.

un demi cachet de lexomil dont je n'ai plus besoin, un vieux ticket de caisse du franprix, un téléphone portable qui vibre.

Tigre vient de m'envoyer "je t'aime" en toutes lettres, comme ça, comme si c'était évident.

Un jour lui expliquer ce creux dans le ventre qui est immense comme deux univers.

***


Après le raz-de-marée au Cube, provoqué par mon petit battement d'ailes, il faut tout reconstruire. J'ai l'impression que tout le monde est content et le fait en sifflotant.
Je sifflote aussi pour ne plus me faire remarquer.


Et j'ai commencé un nouveau livre.
Dans ce qui est pour l'instant la première phrase il y a un alligator.

Lui aussi, il est bien à l'abri au fond de ma poche.