mardi 14 mai 2013

Le printemps c'est joli pour se parler d'amour

En Bretagne, ma jolie grand-mère vit désormais dans un présent constant mêlé d'un passé éternel. Sa mémoire de quatre-vingt dix ans fait du yoyo. Elle me reconnaît quand même pour dire ensuite à mon grand-père "elle était courte sa robe" et puis elle se replonge très attentivement dans les emissions de l'après-midi.
Elle m'avait appris à jouer aux cartes et à rire de tout, elle est maintenant cette toute petite femme noyée dans un téléviseur.
Elle dit de temps en temps, à personne, pour elle-même : "je suis née en 1923" "on va se mettre à table" "faites attention sur la route".
Son anniversaire dont elle n'a pas vraiment conscience est l'occasion de se revoir tous ou presque. Ce côté de la famille qui a les yeux bleus.
On rit beaucoup. On mange beaucoup. On boit beaucoup de vin. On foule la plage de mon enfance et on monte en haut du blockhaus. On pointe du doigt le moulin dont je parle dans une de mes nouvelles. On vit dans un souvenir de grains de sable dans le goûter.

Tandis que de retour à Paris, le ciel gris gouverne un royaume de dépressifs.

Une grosse croix sur le printemps, voilà ce qu'on fait.


J'aime Tigre de tout mon corps et j'ai la trouille qu'il me plante d'un seul coup. J'ai la trouille qu'il se rende compte qu'il n'a rien à faire avec moi. J'ai la trouille qu'il en préfère une autre, une à la hauteur.
Ce sont des peurs incontrôlables et idiotes. On en a fait mille chansons qui ne nous apprennent rien.

Dans un message qu'il me laisse, sa voix grave m'assure "tu me manques beaucoup évidemment, ce n'est pas la peine de le dire".

Moi je trouve que c'est la peine, quand même.


Cette nuit je fais un cauchemar gigantesque en plusieurs parties. Je suis un serial killer qui dépèce ses victimes avec des ciseaux. Et puis je suis un inspecteur à sa recherche. Et puis je péris dans l'incendie d'un ascenceur transparent, en essayant de sauver des plantes en pot.

Je ne préfère pas chercher de signification à tout ça.



Adresse au printemps : dis, quand reviendras-tu ?




mardi 7 mai 2013

Vacances des animaux

Cinq jours qui ont semblé durer un mois, toujours à quelques mètres, maximum, des bras de Tigre. Nous avons vite pris l'habitude de nous endormir et de nous réveiller l'un contre l'autre. De laisser nos mains jouer ensemble dans la rue. De mordre nos nuques au soleil.
Nous n'avons pas su garder le secret quand il aurait fallu.
C'est pas ma faute, c'est ma bouche, c'est sa langue, c'est la peau.

Et puis rentrer à Paris, se dire salut, la violence de nos corps séparés jusqu'à quand on ne sait pas.
Horrible le manque les ongles qui brassent du vent et le lit qui ne sert plus à rien.

On s'occupe comme on peut, la vraie vie reprend ses droits, ses devoirs surtout.
Tigre et panthère chacun dans son coin.
C'est la fin des vacances des animaux.
Mais on s'en sortira comme toujours.
Tant que j'ai son parfum un peu partout sur le cœur.